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Culture  and  Co

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Musique, Théâtre, Littérature, Cinéma, Entretiens avec des artistes.


MICHAEL ADDA : L'ENTRETIEN

Publié par Le BLOG de Fabien LIZE sur 12 Juillet 2015, 08:11am

Catégories : #culture

Photo de Michaël ADDA - Crédit photographique : Bernard Martinez

J'aime la musique quand elle me touche ou qu'elle me parle...ne soyons pas trop exigeant. Musicalement ce que je n'aime pas c'est lorsque c'est "facile" que ça ressemble à tout, que cela n' a pas d'identité particulière. Dans tout ce que j'écoute j'ai besoin d'avoir l'impression qu'il y a quelque chose en plus. Ce fut le cas à l'écoute de différents albums du label classique La Dolce Volta. C'est pourquoi je vous propose de lire l'entretien suivant avec Michaël ADDA créateur de ce beau label.

 

- Michaël, Pourriez-vous me présenter Votre Label ?

- J’ai une douzaine de collaborateurs mais qui ne sont pas salariés. Nous (je dis « nous » parce qu’en fait c’est une équipe !) ne sommes pas « assez gros » pour cela et puis de toute façon aujourd’hui ce n’est pas notre propos. Ils sont donc, musicologues, vidéastes, photographes, traducteurs, graphistes free lance. Nous passons beaucoup de temps ensemble et sommes tous animés par l’amour du beau et du « bien faire ». Chacun à sa propre sensibilité et moi j’interviens en tant que chef d’orchestre et décideur final. C'est-à-dire que lorsqu’il y a des hésitations, c’est moi qui doit trancher. Je tranche en fonction de mes goûts personnels mais ce qui m’intéresse c’est de lutter contre ce discours, tout fait, comme quoi le disque se meurt ; que l’on va droit dans le mur puisqu’il y a dématérialisation. Alors oui c’est vrai l’immatériel fait évoluer tout ça mais lorsque l’on fait du beau, presque de l’artisanat de luxe comme j’ai la prétention de vouloir le faire il y a toujours une clientèle que l’on peut qualifier de « fétichiste » ou de « bon gout » qui a encore envie d’avoir en main des belles réalisations. L’idée d’avoir ça chez soi un bel objet ou de pouvoir l’offrir est importante pour certaines personnes. Il y a très longtemps lorsque l’on était invité à dîner, parfois au lieu des fleurs, on apportait un disque ou un coffret. C’était le summum du luxe et de la bien séance. J’ai eu envie de revenir un peu à tout ça. Les discours qui prétendent que le disque est mort sont destructeurs pour l’éditeur que nous sommes bien entendu ! Mais également et d’avantage pour les artistes qui pourraient penser qu’en effet si le disque se meurt il n’y pas de raison d’enregistrer. En 2011 je me suis donc servi de mon expérience professionnelle chez un autre éditeur, Calliope, qui a fermé cette année là pour créer La Dolce Volta. Il y avait des choses à faire en me servant des cotés négatifs et positifs de mon expérience. J’ai donc décidé de surprendre avec le packaging des albums et des livrets, réalisés sous formes d’interviews. Notamment en anglais, allemand, français et japonais. Je cherchais et je cherche l’excellence. Celle-ci passe par la rareté. J’ai donc décidé d’arrêter le nombre de productions à 6 par an. Cela dit j’ai l’opportunité de proposer des rééditions de musique de chambre et de musique d’orgue puisque j’ai racheté une partie du catalogue de mon ancien employeur. Ainsi vous pouvez écouter le Quatuor TALICH et ISOIR, pour l’orgue. Avec 6 productions annuelles il ne s’agit pas d’une recherche effrénée du chiffre d’affaire. Les projets peuvent vivre et l’équipe se poser intelligemment sur les différentes étapes du travail d’éditeur. Un disque n’en chasse pas un autre parce qu’il faudrait, être très rentable. Ainsi on a le temps d’accompagner les artistes, d’organiser des concerts, d’être particulièrement actif en matière de promotion sur les radios, les télés et la presse écrite. Bon an mal an, le label s’est développé et nous travaillons actuellement sur la production qui porte le numéro 24. Ah mais j’y pense en vous parlant : c’est bon signe 24. C’est le jour de mon anniversaire. Il s’agira d’un disque pour enfant « Babar et le père Noël », notre premier. Noël c’est bien le 24 aussi ! La récitante de cet album sera Nathalie DESSAY.

- L’idée de « confronter » un interprète à un compositeur de son choix ou à des œuvres choisies par lui, c’est l’envie de nous le rendre, à nous auditeurs, plus intime ? La carte blanche proposée à vos artistes vous donne t’elle l’impression qu’ils donnent plus d’émotion ?

- Dans les faits oui. Mais en réalité la carte blanche c’est pour éviter le diktat de l’éditeur. Exemple : c’est l’année commémorative de LISZT alors sortons un LISZT ou encore, produisons un « 4 Saisons », ça fait vendre ! Nous sommes dans une logique anti-marketing en fait ; même si nous l’utilisons mais pour la postproduction. C'est-à-dire que nous avons l’art de « faire savoir ». Mais je me refuse à faire des disques de commande par opportunité. Non il faut donner le temps aux choses de se développer. Comme pour le vin. Il ne sert à rien de se dépêcher de produire ! Alors, pour en revenir à votre question, la carte blanche permet aussi à un artiste de jouer vraiment ce qu’il a envie. Il se met à nu et enregistre parfois des œuvres qu’il n’a pas pu « jouer » ailleurs parce que cela ne correspondait pas aux attentes des grosses maisons de disques. Pas assez commercial pour le plus grand nombre !! Alors aujourd’hui je me retrouve avec des artistes quinquagénaires, à minima, qui ont eu des carrières magnifiques mais qui sur le plan discographique enregistraient très peu. On les a parfois remercié, très simplement parce qu’ils n’étaient plus « bankables ». Ils ont des choses à dire on le leur permet. La seule contrainte que j’impose aux artistes c’est mes équipes techniques. Pour changer les habitudes d’enregistrements, les lieux aussi sont nouveaux puis parfois aussi nous choisissons les instruments (notamment pour les pianistes). Cela permet une certaine « mise en danger ». Le musicien sort de ses habitudes et donne quelque chose de plus spontanée, direct. En fait pour nous c’est l’expérience réussie des « anciens » qui à fait venir les plus jeunes que nous commençons à enregistrer, aujourd’hui.

- Vous accordez une importance toute particulière à la qualité du son de vos albums. Vous allez me dire que c’est le minimum mais…Avec un bon matériel Hifi ou un casque on entend, par exemple Menahem PRESSLER respirer profondément avant certaines notes. C’est émouvant ! On imagine presque ses doigts sur le clavier. C’est ce que vous voulez que l’on ressente ?

- Oui c’est comme une introspection dans la vie du musicien. C’est plutôt la proximité que l’on tente d’apporter. Vous savez, faire un disque c’est une véritable aventure humaine. Un peu comme un rapport amoureux. Il y a d’abord une étape de séduction, de convoitise puis ensuite l’épanouissement d’une union et tout passe vraiment par des rapports quasi charnels qui se retrouvent dans le son très chaleureux que l’on essaye d’apporter à chacune de nos productions. Mais effectivement je crois qu’aujourd’hui il faut « amener » l’interprète au domicile de la personne qui à fait le choix d’acheter son disque. C’est vrai que c’est également lié aux qualités professionnelles des équipes techniques qui ont le don de dérider une atmosphère tendue, de mettre en confiance l’artiste et de le soulager complètement. Parce qu’il est certain que très peu d’artistes aiment enregistrer. Ils sont seuls devant des micros. Ils parlent à des personnes derrière des cloisons. Ils ont vraiment l’impression d’être dépossédés de quelque chose qu’ils ont porté pendant des mois. Un peu comme un accouchement. Et a la fin de l’enregistrement l’interprète repart souvent tout seul en taxi. A La Dolce Volta nous à ce moment là on a besoin de se retrouver pour se libérer du stress. C’est un peu l’esprit de famille.

- L’intimité est elle votre credo en matière musicale ?

- Je ne suis pas sur que ce soit le bon terme. Le coté intime ne s’offre pas au plus grand nombre. Nous sommes plutôt dans une approche différente mais qui de toute manière ne remplacera jamais l’émotion du concert où, là, l’intimité est totale. Nous, Notre credo c’est en fait d’offrir aux artistes un moment dans lequel ils peuvent s’épanouir totalement, sans interdits.

- Comment avez-vous convaincus des personnalités tel que CICCOLINI, COLLARD, PRESSLER et quelques autres de signer avec vous, de rejoindre votre aventure ?

- Le plus simplement possible, les grands artistes ne sont pas forcément des dieux sur des socles. Alors j’ai dit : « Bonjour je me présente…. Voici nos réalisations et voila ce que j’imagine et pourquoi j’aimerai le faire pour vous ». Cela a commencé ainsi et les réponses sont arrivées au bout de 2 mois. Mon ancienne expérience chez Calliope parlait aussi un peu pour moi. Puis après comme je vous le disais il y eu ce développement du rapport de séduction avec les artistes. Aujourd’hui Nous avons de nombreuses demandes, de nouveaux talents. Presque trop. C’est là que les difficultés commencent puisque je ne veux pas trop produire pour garder cette qualité qui fait que nous sommes reconnus.

- Auriez pu produire autre chose que de la musique classique ?

- Oui plein d’autres choses notamment du jazz et de la « world » même si je n’aime pas ce mot qui ne sert qu’au référencement. Mais il s’avère que j’ai commencé à travaillé chez Calliope juste après mes études. Alors le classique s’est imposé parce que c’est là que je me suis crée un réseau. Après malheureusement tout cela est très cloisonné. J’aurai vraiment aimé produire du jazz. Cela dit, La Dolce Volta travaille à l’élargissement de son répertoire notamment avec ce disque pour enfants dont je parlais tout à l’heure et également avec un groupe qui est une émanation de l’orchestre philharmonique de Paris et qui s’appelle le Sirba Octet. Je suis très fier de les accueillir chez nous. Je connaissais ces interprètes dans un registre classique dans une autre vie mais aussi au hasard d’une dégustation de vin dans un château… Là ils jouent avec cette formation un répertoire de musique tzigane et Klezmer. Donc de la World (sourire !)

- Peut être ne pouvez vous pas répondre pour rester neutre et ne vexer personne mais selon vous quel est le meilleur album que vous ayez produit?

- Hum, c’est comme si vous demandiez à la mère d’une grande fratrie lequel de ses enfants elle préfère. Mais je vais répondre par une pirouette. Non en fait pas vraiment…L’album que je préfère est le premier d’Aldo CICCOLINI pour notre label et dans lequel il interprète des œuvres de MOZART (Lp 3). C’est donc le troisième disque que nous ayons produit mais le premier que nous avons commercialisé en octobre 2011. C’est un disque magnifique en tout point ! Musicalement bien sur parce qu' Aldo était un immense pianiste. Il a vécu une traversée du désert absolument incompréhensible mais surtout cet album nous a propulsé vers une orbite exceptionnelle qui n’aurait pas du être la notre puisque le premier album que nous avions produit était du clavecin et le second du pianoforte. Alors tout d’un coup CICCOLINI acceptait de faire un disque avec nous et nous avons été identifié différemment de la part de la profession « C’est qui ces jeunes qui enregistrent CICCOLINI et qui font un livret en 5 langues. C’est beau….». On en a vendu beaucoup et cela nous a classé assez directement dans la catégorie « luxe ». C’est mon disque préféré parce que c’est la genèse du Label. C’est celui-ci qui a donné à Jean Philippe COLLARD et HOFFMANN l'envie de nous rejoindre. Je pense que sans ce disque nous n’échangerions pas aujourd’hui Fabien.

- Michaël, nous avons le même âge et j’entends souvent les gens de notre génération dire à propos de la musique classique qu’elle est « désuète ». Du coup elle semble peu écoutée par les « jeunes » (sourire). Que diriez vous à propos de cet a priori ?

- Il s’agit de cultiver sa curiosité. Aujourd’hui on peut entrer en jean avec une chemise dans une salle de concert et sortir à l’entracte si l’on n’aime pas. C’est vrai qu’aujourd’hui les têtes sont plutôt grisonnantes dans les salles. Si on n’a pas les codes après tout ce n’est pas très grave d’applaudir entre 2 mouvements. Devant un bon interprète l’émotion est forcément au rendez vous. Le problème c’est que l’école a abandonné la musique à mon avis. Je ne suis pas sur que le cours de flûte à bec révèle des passions particulières. Il ne faut pas hésiter à franchir le pas des institutions et suivre l’exemple de l’orchestre philharmonique de Paris qui donne des concerts à 10 euros pour faire découvrir le grand répertoire. Les concerts devraient être gratuits jusqu’à 8 ans qui est l’âge ou l’on se forge une identité. Babar et POULENC sont une partie de la culture encore tenue à bout de bras par certains mais cela ne durera pas.

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Pour aller plus loin vers les jolies productions du Label de Monsieur ADDA, je vous propose de cliquer sur le lien suivant ! Vous verrez…c’est beau

http://www.ladolcevolta.com/

http://blogs.qobuz.com/lestetesdelart/2015/02/02/michael-add

 

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